Résumé : Que la chasse commence. Entrez dans le cauchemar. Littéralement. Bon courage.
« Run boy run ! This world is not made for you.
Run boy run ! They’re trying to catch you.
Run boy run ! Running is a victory.
Run boy run ! Beauty lays behind the hills. »
La journée commença le plus normalement du Monde.
Je portais mon éternelle robe noire, aux manches courtes, mes longs cheveux bruns, coiffés en tresse, tombaient dans mon dos et j’avais étrangement des grosses chaussures aux pieds. Je dis ‘étrangement’ car, voyez-vous, ma jambe droite est totalement morte. Mon genou ne fonctionne plus correctement et je n’arrive pas à marcher sans canne, que je tiens toujours de ma main droite, je clopine avec douleur pour me déplacer.
Ce matin-là, j’ai donc rejoins mon petit-copain dans son restaurant. Nous sommes âgés d’une trentaine d’années, mais les heureux propriétaires d’un petit Diner Américain.
Mon chéri se trouvait déjà dans la cuisine, seul, attendant les employés. Il préparait un milkshake aux fruits rouges. Comme d’ordinaire, il portait un T-shirt gris orné d’un énorme S sur le devant avec, par-dessus, sa veste en cuir de Biker, elle aussi ornée d’un serpent géant émeraude dans son dos. Une veste à carreaux était nouée autour de sa taille et de son jean trop grand. En toutes saisons, il portait inlassablement un bonnet gris sur ses cheveux ébènes dont la frange tombait parfois sur ses yeux clairs.
Ce matin-là, il s’occupait donc dans la cuisine sombre et mal éclairée, et sourit en me voyant :
– Hey Ali’.
– Hey Jug’.
Il me vola un baiser avant de reprendre la mise en place.
Il souriait.
Moi non. Mon souffle se coupa.
Car je savais ce qui allait se passer, mais lui non.
« Run boy run ! The sun will be guiding you.
Run boy run ! They’re dying to stop you.
Run boy run ! This race is a prophecy.
Run boy run ! Break out from society. »
Soudain, trois personnes en costume de Policiers débarquèrent dans le restaurant par la porte arrière, qui donnait directement sur la cuisine. Accompagnés d’experts en blouses blanches, les hommes se présentèrent à mon copain :
– Jughead Jones, nous faisons partie du Service de Contrôle Sanitaire, nous allons fouiller le restaurant pour vérifier que tout est en ordre.
Mais Jug’ parût encore plus perplexe et paniqué :
– Quoi ?! Mais, vous êtes déjà venu il y a trois semaines de ça ! Et vous ne nous avez même pas prévenus !
L’homme sourit sadiquement et partit rejoindre l’équipe.
Jug’ se dirigea vers moi, plus inquiet que jamais.
Oui, je savais, je savais, je savais tout…
Mon cœur tambourinait dans ma poitrine.
– Ali’, ces mecs ne font pas partie du Contrôle Sanitaire, ils sont envoyés par tu-sais-qui !
Oui, je savais, je savais, je savais tout…
En effet, ils n’avaient rien à voir avec les Services des Contrôles Sanitaires et encore moins avec la Police. Ils faisaient partie d’un énorme réseau Mafieux qui nous en voulait personnellement.
Quelques minutes plus tard, ils revinrent vers nous en nous stipulant que notre Business était illégale et devait être fermé dans la minute.
Ce qu’ils firent.
Même si c’était faux.
Dans la foulée, ils arrêtèrent mon copain, nos cinq employés, et accessoirement amis, ainsi que moi-même.
Brutalement, ils nous passèrent les menottes aux poignets, par-devant, avant de nous jeter dans un énorme fourgon blindé.
« Tomorrow is another day,
And you won’t have to hide away,
You’ll be a man, boy !
But for now it’s time to run, it’s time to run ! »
Enfermé à l’arrière du fourgon, Jug’ s’énerva sur ses menottes et râla vers ses amis :
– C’est n’importe quoi ! Et d’ailleurs, comment ils ont su où chercher nos papiers ? Ou quand venir tout fouiller ? Comment ils ont su tout ça ?!
Mon ventre se noua.
Le fourgon s’arrêta d’un coup net, nous secouant dans tous les sens. Puis, un homme grand et baraqué, entièrement vêtu de noir, ouvrit la porte pour nous faire face.
Il souriait étrangement, avant de révéler :
– Nous allons vous laisser de l’avance.
Ses sbires commencèrent à détacher nos poignets des menottes de métal. Mon copain questionna, toujours aussi énervé :
– De l’avance pour quoi ?
Avec sadisme, le Mafieux répondit :
– Pour courir. On vous laisse quelques minutes pour courir et ensuite… La chasse commence.
Un voile inquiet traversa les yeux clairs de mon petit-ami. Et je compris pourquoi :
Je ne pouvais pas courir.
– Non… murmura-t-il.
Mais les Mafieux nous firent sortir du fourgon par la force et nous pouvions découvrir pour la première fois où nous nous trouvions :
C’était une immense gare ferroviaire entièrement vide. Sous un ciel tristement gris, la station prenait des allures d’endroit hanté et angoissant. Il n’y avait personne.
Pas un chat.
Personne.
Vide.
Nos bourreaux souriaient en lançant le Top Départ.
Nos amis se mirent à courir à toute vitesse.
Sauf mon copain, qui restait près de moi, puisque je ne pouvais pas vraiment m’échapper.
– Cours, Jug’, COURS !
– Non, non, pas sans toi !
– Fais-moi confiance et COURS !
Je criais de plus en plus fort et, contre sa volonté, il prit enfin la poudre d’escampette.
J’essayais néanmoins de m’enfuir, mais ma jambe refusa toute allure.
Éventuellement, je tombai sur le sol de béton. Une fine pellicule de neige commençait à recouvrir la gare déserte.
« Run boy run ! This ride is a journey to.
Run boy run ! The secret inside of you.
Run boy run ! This race is a prophecy.
Run boy run ! And disappear in the trees. »
Avec difficulté, j’ai pu me relever et, comme je n’avais plus ma canne, je me tenais aux poteaux et aux lampadaires pour clopiner lentement le long des quais.
Les rails abandonnés m’appelaient à eux.
Parce que je savais ce qui allait se passer et je n’étais pas du tout prête…
Je relevai la tête pour voir mes amis tourner en rond parmi les wagons et les quais.
La gare était à des kilomètres et à des kilomètres de la ville la plus proche.
À des kilomètres de toute forme de vie, de toute aide potentielle.
Alors, forcément, au bout d’une demie-heure, mon copain et nos amis sont revenus vers moi.
Nous étions sur un quai vide, slalomant parmi les rails et les chemins déserts.
Nous décidions de nous cacher dans la gare abandonnée. Les Mafieux commencèrent à nous chasser, sachant que nous ne pouvions pas nous enfuir.
Lorsque, tout à coup, sortant de nulle part, un jeune garçon sur son vélo jaune se dirigea vers nous. La seule touche de couleur sous ce ciel gris.
Nous essayions de l’appeler, mais il ne répondit pas. Il tomba de son vélo en se faisant mal.
Au moment où nous essayions de nous diriger vers lui, nous avons entendu des coups de feu dans notre dos.
Il semblerait que la chasse soit terminée…
Nous essayions de courir, Jughead me tenait par mon côté droit pour me faire avancer le plus vite possible.
Mais cela ne servait à rien.
Il était déjà trop tard, j’en ai bien peur…
Parce que les hommes armés de la Mafia nous attrapèrent tous, violemment, pour nous traîner de force vers une salle abandonnée au milieu de la gare.
De froides menottes nous sont à nouveau misent aux poignets, bras en avant.
Ils nous jetèrent ensuite dans la pièce, qui ressemblait à un bureau cauchemardesque, nous tombions sur le sol dégueulasse et pourri.
La couleur jaunâtre des murs et du plafond me donnait envie de vomir.
Le Big Boss de la Mafia, dans son beau costume impeccable, nous toisa de haut en s’amusant de la situation :
– Jughead Jones… Nous avons enfin la main sur ton Business. Qui sera le nôtre, désormais.
Inquiet et énervé, mon copain questionna, perdu :
– Comment ?! Comment avez-vous su tout ça ? Comment avez-vous su où chercher ?!
L’homme sourit de plus belle, en lâchant avec mystère :
– Nous avions une source fiable. Très fiable… N’est-ce pas… ? Ali ?
« Tomorrow is another day,
And you won’t have to hide away,
You’ll be a man, boy !
But for now it’s time to run, it’s time to run ! »
Tous les regards perplexes de mes amis se sont retournés vers moi. Les yeux de mon chéri commencèrent à se remplir de larmes. Le souffle coupé, il murmura :
– Ali… ?
– Jug’… Je suis désolée…
– Non…
Il refusait cette vérité.
Seulement, je devais lui expliquer la réalité derrière cette triste vérité. Quelque chose de grave et d’important. Malheureusement, je n’ai pas eu le temps de donner ma version, car le Big Boss quitta la salle jaunâtre en fermant la porte à clef.
Des fois qu’on arriverait à nous défaire de nos menottes, il nous restait encore le verrou de la porte.
Puis, ce que le Mafieux souhaitait, arriva :
Mes amis m’encerclèrent, avec une rage évidente dans leurs regards.
Jughead seul semblait triste et perdu.
Je pense qu’il voulait vraiment comprendre ce qu’il s’était passé.
Pour de vrai.
Cependant, nos amis se sont jetés sur moi.
Menottée et sans pouvoir me défendre à cause de ma jambe morte, je m’apprêtais à passer un très mauvais moment…
.
.
Puis, je me suis réveillé.
Avec douleur.
Chez moi, à Drogheda.
THE END
« Tomorrow is another day,
And when the night fades away,
You’ll be a man, boy !
But for now it’s time to run, it’s time to run ! »
Cauchemar du 22.07.2022
Chanson ‘Run, boy, run’ de Woodkid.
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